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Aider les proches aidants

Les aidants, la colonne vertébrale invisible du système de santé

Chaque jour, les aidants soutiennent, prennent soin de leurs proches malades, voire, parfois remplacent des soignants. Une position délicate qui les expose à des répercussions sur leur santé physique mais aussi psychique.

Plus de 95 % des aidants familiaux aident leur proche malade quotidiennement, et pour 40 % durant plus de 6 heures par jour au travers de tâches multiples1. Outre le soutien affectif et psychologique qu’ils apportent, ces non-professionnels du soin effectuent des actes habituellement prodigués par les infirmiers ou les aides-soignants (changement de pansement, soins d’hygiène…), supervisent la prise des médicaments... Ce qui fait dire au Dr Hélène Rossinot, médecin de Santé Publique et auteure de Aidants, ces invisibles, que « les aidants sont la colonne vertébrale invisible des systèmes de santé ». 

À ces missions de soignants s’ajoutent également toutes les tâches de la vie quotidienne (le ménage, les courses, les déplacements pour aller à l’hôpital…), mais aussi les démarches administratives. Ils sont en effet déterminants dans la recherche et la mobilisation d’aide à domicile, financière… Un rôle moins visible et pourtant loin d’être évident.

La place des soignants auprès des aidants

L’équipe médicale chargée de prendre soin du malade a aussi pour mission de s’occuper de l’aidant. Dès l’annonce du cancer, un soutien devrait être proposé afin de pouvoir parler avec un psychologue. Mais dans les faits, médecins ou infirmiers ne sont pas toujours attentifs aux aidants. « Le monde soignant ne sait pas toujours comment interagir avec eux », note Antonia Altmeyer, psychologue clinicienne à l’hôpital Nord Franche-Comté (Montbéliard). Pour autant, si les soignants ne s’enquièrent pas de leurs besoins, il ne faut pas hésiter à engager la conversation. Car de nombreux professionnels au sein de l’hôpital sont en mesure de répondre aux questions et d’orienter vers les bons professionnels. 


L’infirmière de coordination est là pour évaluer les besoins, soutenir et aiguiller lorsque cela s’avère nécessaire vers un psychologue ou le service social de l’hôpital. Les associations présentes au sein de l’établissement peuvent aussi compléter l’accompagnement proposé par les soignants.


Les différents temps de l'aide

Le temps de l’annonce

L’annonce d’un cancer est souvent brutale pour le malade et ses proches. En l’espace de quelques instants, ce profond bouleversement oblige à tout reconsidérer. Chacun réagit différemment. La personne malade peut être effondrée, angoissée, mutique ou agressive. Les proches ne savent pas toujours comment réagir ni comment faire face à l’incertitude et aux questionnements sur l’avenir. Le délai entre l’annonce et le début des traitements permet d’essayer d’accepter la maladie mais aussi de commencer à s’organiser. C’est aussi le moment où on écume internet à la recherche d’informations sur la maladie, les soins, les aides…

Le temps des traitements

L’aidant tente de trouver sa place, et cela n’a rien d’aisé. Doit-il ou peut-il participer aux soins ? Que peut-il faire de plus pour aider davantage son proche ? Très souvent, l’aidant craint de ne pas être à la hauteur, de ne pas savoir prendre soin de son proche malade. Des difficultés qu’il peut avoir du mal à exprimer ou à confier au malade de peur de lui faire de la peine ou de l’inquiéter. L’aidant se met aussi en tête qu’il ne peut pas flancher, ou se montrer vulnérable. Pour les aidants âgés, ou ceux qui se savent plus fragiles, une crainte supplémentaire s’ajoute : que se passera-t-il si je ne peux plus m’occuper de mon époux / épouse, de mon enfant ? Qui prendra la relève ? Saura-t-on répondre à ses besoins ? Des questionnements auxquels l’entourage n’est pas toujours attentif.

Le temps de la rémission

C’est une étape où le malade tente de se reconstruire, retrouver un équilibre, sa « vie d’avant » ou se lancer dans de nouveaux projets. Mais c’est aussi un moment d’isolement et de crainte. Quasiment du jour au lendemain, le temps n’est plus rythmé par les rendez-vous médicaux, les examens, etc. Chacun tente de réapprendre progressivement à devenir à nouveau un partenaire de vie, un parent, un enfant et non plus la personne sur qui l’on compte pour tout. Une transition qui n’est pas toujours facile. Car la rémission n’est pas la guérison. L’incertitude de l’avenir est toujours présente. Et l’ombre de la maladie se fait encore sentir, notamment à travers la fatigue et les douleurs qui peuvent limiter le retour à cette « vie d’avant ». Ainsi, dans les faits, les aidants conservent leur place encore quelques temps.

Le cancer chronique 

Vivre avec un cancer contrôlé mais non guéri implique en général de recevoir au long cours des traitements pris de plus en plus à la maison, en raison du développement des thérapies orales. Ils pouvent être responsables d’effets secondaires parfois importants. Conséquence : les patients et les aidants se sentent abandonnés et ne savent pas toujours vers qui se tourner. Il faut aussi accepter l’idée que le cancer ne sera peut-être jamais battu mais qu’il est possible de vivre « avec ». Pour l’aidant cela signifie conserver cette place durant plusieurs années. 

Quand les traitements échouent

Savoir que son proche est atteint d’une maladie incurable, et qu’il lui reste peu de temps à vivre est l’une des épreuves les plus difficiles pour l’aidant. Il doit accepter son impuissance face à la maladie, et ce deuil annoncé. Ce phénomène surnommé « le deuil blanc » est une période émotionnellement épuisante où s’entremêlent le désarroi, la tristesse, mais aussi parfois de la culpabilité et un certain soulagement à l’idée de voir cette situation stressante prendre fin. Toutes ces émotions sont normales et il peut être bénéfique d’en parler avec son proche malade, si cela est possible, son entourage ou un thérapeute. Après le décès, le rôle d’aidant s’arrête soudainement. Celui-ci peut alors se sentir perdu et déstabilisé. Revenir à sa « vie d’avant » s’avère difficile. Là encore, être accompagné par un professionnel peut être bénéfique.

L'échelle de Zarit, évaluer son état d'épuisement

Cet auto-questionnaire, validé scientifiquement 1, est un outil précieux quand on est soi-même un aidant pour évaluer la charge
physique et mentale liée à l’accompagnement d’un proche, et savoir quand il serait bon de passer la main ou demander de l’aide. Plusieurs versions de ce test existent. La plus performante contient 22 questions et se trouve facilement sur internet. En voici une version plus courte.
Pour chacun des 5 énoncés, il faut indiquer si ce ressenti arrive soit jamais (0 pt), soit parfois (0,5 pt) ou souvent (1 pt), puis calculer le total sur 7 pts. 

  1. Le fait de vous occuper de votre proche entraîne-t-il : des difficultés dans votre vie familiale ? Des difficultés dans vos relations avec vos amis, vos loisirs, ou dans votre travail ? Un retentissement sur votre santé (physique et/ou psychique) ?
  2. Avez-vous le sentiment de ne plus reconnaître votre proche ?
  3. Avez-vous peur pour l’avenir de votre proche ?
  4. Souhaitez-vous être (davantage) aidé(e) pour vous occuper de votre proche ?
  5. Ressentez-vous une charge en vous occupant de votre proche ?

1. Hebert R, Bravo G, Preville M. Reliability, validity and references values of the Zarit Burden Interview for assessing informal caregivers of community-dwelling older persons with dementia. Canadian Journal on Aging.2000; 19:494-507. Et aussi : Bedart M, Molloy DW, Squire L, Dubois S, Lever JA, O’Donnell M. The Zarit Burden Interview: a new short version and screening version. The gerontologist.2001; 41(5):652-657.


Une engagement qui n'est pas sans conséquence

Pour 9 aidants sur 10, endosser ce rôle était une évidence3, un engagement naturel pour prendre soin de leurs enfants ou d’un parent, soutenir leur épouse ou époux et partager le poids de la maladie. « D’ailleurs, un grand nombre d’entre eux ne se disent pas aidants. Certains préfèrent utiliser le terme d’accompagnant qui fait davantage partie du langage courant, tandis que d’autres rejettent le terme d’aidant car ils ne s’y reconnaissent pas. Ils estiment faire leur devoir de parent ou de conjoint, ou craignent parfois d’être stigmatisés », décrypte Valérie Bergua, maître de conférences en psychogérontologie à l’Université de Bordeaux et auteure de Pour aider les aidants : osons l’aidance (Edition In Press, 2021).

Pour autant, près de la moitié reconnait que cette situation a un impact important sur leur vie quotidienne, en particulier pour ceux qui ne peuvent pas compter sur d’autre membres de la famille pour prendre la relève, rapporte le 5e Observatoire sociétal du cancer. De ce fait, beaucoup s’épuisent. Parfois présentés comme les « autres victimes du cancer » ou « les victimes cachées », les aidants connaissent de nombreuses difficultés et bouleversements physiques, psychiques, sociaux…

Les répercussions sur la santé physique et mentale

Près d’un tiers dit souffrir de troubles du sommeil, de maux de dos… On constate également que les aidants présentent davantage de maladies chroniques (arthrose, hypertension…) ou de pathologies cardiovasculaires (infarctus, AVC) que la population générale4.

Les conséquences sur la santé mentale sont tout aussi importantes. Il est notamment montré que les aidants sont plus susceptibles de présenter des symptômes dépressifs que la population générale. Plus de 3 sur 4 se disent stressés et épuisés. Et pourtant, beaucoup négligent leur santé. « Ils nous disent souvent, “ma santé passera après“. Les aidants ont tendance à s’oublier », relève Antonia Altmeyer.

Les implications financières et professionnelles

Plus de 4 aidants sur 10 rapportent leurs difficultés à concilier leur rôle avec leur vie professionnelle et environ 10 % ont arrêté de travailler ou ont été contraints d’aménager leur temps de travail. En conséquence, certains rencontrent des difficultés financières. Or, plus de la moitié des aidants de malades du cancer confie que l’aide qu’ils apportent leur occasionne des dépenses. Pour 10 %, cela se chiffre à plus de 200 euros par mois3. Ils sont nombreux à cacher à leur proche malade leurs difficultés financières pour ne pas l’inquiéter. Pour faire face, les aidants empruntent de l’argent à leur entourage. Certains vont même jusqu’à demander un prêt.

Concilier la vie de couple et le rôle d'aidant

L’intrusion de la maladie peut perturber la dynamique du couple. Beaucoup de femmes aidantes confient être devenues des infirmières et avoir perdu ce rôle d’épouse et d’amante. Du côté des proches malades, les conséquences du cancer sur le plan physique ou moral peuvent aussi être un frein au maintien d’une vie intime. L’absence de communication entre les partenaires est potentiellement source de douloureuses frustrations, d’incompréhension, de détresse ou d’isolement. Pour retrouver une vie sexuelle plus heureuse, il est important d’échanger avec son ou sa partenaire, et si besoin avec un sexologue. Des traitements peuvent aussi aider, comme nous le détaillons dans notre dossier "Préserver sa sexualité".


1. Référentiel « La place des proches aidants » de l’Association Francophone des Soins oncologiques de support (AFSOS). 2. Les besoins et attentes des aidants familiaux de personnes handicapées vivant à domicile. Étude réalisée à la demande du Conseil général du Rhône, février 2009. 3. 5e rapport de l’Observatoire sociétal du cancer, Ligue contre le cancer, 2015. 4. Santé des proches aidants et interventions en santé publique analyse de la littérature internationale, Observatoire régional de santé Ile-de-France

Dossier réalisé en collaboration avec Rose magazine et avec les contributions d'A. Untas, professeure de psychologie à l’Université Paris-Cité Antonia Altmeyer, psychologue clinicienne à l’hôpital Nord Franche-Comté, J. Longet, assistante sociale à l’Institut Régional Fédératif du Cancer de Franche-Comté, A. Bourgeois, directrice de l’Association nationale JADE, V. Bergua, maître de conférences en psychogérontologie, Université de Bordeaux et C. Arnoult, assistante sociale à l’hôpital d’enfants du CHU de Dijon-Bourgogne.