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29 janvier 2021

Darwin et le cancer 1/3 - Le cancer : une maladie de l’époque (depuis des centaines de millions d’années)

Les cancers, une maladie de civilisation ? Aborder cette question avec le regard d’un biologiste de l’évolution aide à mieux la comprendre et, très certainement, à lui apporter une réponse tranchée : oui et non !

Les cellules sont apparues sur Terre il y a environ 4 milliards d’années. Cette forme ancestrale d’entité vivante était alors capable de s’autorépliquer et de transmettre, de génération en génération, le mode d’emploi de ce mode de vie, sous forme d’un patrimoine génétique plus ou moins complexe. A petits pas, de centaines de millions d’années en centaines de millions d’années, l’environnement terrestre a sélectionné des cellules qui avaient acquis de nouvelles compétences, des compétences de coopération. C’est ainsi que des cellules qui étaient restées solitaires plus de 3 milliards d’années se sont regroupées pour s’organiser en êtres multicellulaires complexes aussi divers que, par exemple, le petit ver Caenorhabditis elegans, constitué de 3000 cellules environ ou Homo sapiens, qui en compte plusieurs milliers de milliards.

Des mécanismes « anti-cancers » sophistiqués mais pas infaillibles

L’entretien du patrimoine génétique ; l’émission et la réception de signaux qui stimulent la prolifération des cellules, leur mise en mouvement ou au contraire leur ancrage au sein des tissus ; les réactions moléculaires en chaîne qui provoquent la mort cellulaire ; les défenses immunitaires qui reconnaissent et éliminent les cellules anormales, … tous ces mécanismes et des milliers d’autres, ainsi que la façon dont ils sont mis en musique, sont autant de solutions retenues par sélection naturelle pour assurer la cohésion des cellules au sein d’un organisme vivant. Derrière tout cela, pas de chef d’orchestre mais une autogestion mise au point par des réglages progressifs, les alternatives mal adaptées n’ayant pas perduré…

Pourtant, aussi sophistiqués et efficaces soient-ils, ces mécanismes ne sont pas infaillibles et, parfois, le réflexe de prolifération des cellules prend le dessus : certaines anomalies surviennent et les empêchent d’entendre les signaux qui les incitent à rester dans leur rôle. Pire, ces cellules qui ne coopèrent plus gardent tout de même leur capacité à interagir avec leurs congénères, mais pour utiliser leurs ressources ou détourner leurs fonctions. Ces transformations sont les premières étapes du développement d’une tumeur cancéreuse. Comment ces imperfections ont-elles pu se faufiler à travers ces millions d’années d’évolution, si bien qu’on les retrouve chez la quasi-totalité des Vertébrés et dans de nombreux autres groupes d’animaux ? Pourquoi la mécanique de sélection ne les a-t-elle pas fait disparaître ? La principale hypothèse est simple : les anomalies susceptibles de causer des cancers surviennent, dans la très grande majorité des cas, chez des individus relativement âgés. De ce fait, les cancers n’ont pas un impact significatif sur la capacité des espèces à se perpétuer. Au contraire, il est fort probable qu’un « contrôle qualité » plus stricte des cellules n’ait pas réussi à émerger à cause de son coût, énergétique notamment, trop élevé pour les cellules et les organismes. En effet, tous les mécanismes évoqués consomment de l’énergie, que les cellules doivent produire et qui n’est plus disponible pour d’autres besoins.

Un environnement qui change

Les ressorts fondamentaux des cancers sont donc ancrés dans l’histoire évolutive des espèces et sont directement liés à notre nature multicellulaire. Pour autant, il est crucial de comprendre et de mesurer l’impact que peuvent avoir les changements qui s’opèrent dans notre environnement sur le risque de développer des cancers. En effet, la mécanique de sélection naturelle repose d’une part sur l’émergence aléatoire d’innovations au sein des organismes et, d’autre part, sur l’environnement, auquel ces innovations sont confrontées. Hausse des apports caloriques, baisse de l’activité physique, exposition à des polluants divers – notamment synthétiques – totalement absents de l’environnement des humains avant le 20ème siècle, etc. En quelques milliers d’années, et plus encore dans les 100 à 150 dernières années, nous avons radicalement modifié l’environnement auquel notre organisme est soumis. Or on connait de mieux en mieux le rôle de ces facteurs dans la survenue d’anomalies capables de provoquer un cancer (même si ces questions nécessitent toujours un travail d’exploration gigantesque !). Deux échelles de temps se télescopent alors : celle de ces changements de milieu de vie – un battement de cil – et celle qui est nécessaire pour que des adaptations à ces nouvelles contraintes n’émergent et soient retenues par la mécanique de la sélection naturelle !

Les cancers sont des maladies intimement liées à notre condition d’être multicellulaire complexe, soumis aux lois de la sélection naturelle depuis environ 600 millions d’années, ainsi qu’à notre condition d’être humain, capable de façonner son environnement.

Dans le prochain épisode : comment une tumeur, à l’échelle d’un individu, compose-t-elle avec les mêmes principes de sélection naturelle ?


R. D.