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Préserver sa sexualité

Des atteintes à l'intimité multiples et bouleversantes

Perte de désir, douleurs lors des rapports, dysfonction érectile, la maladie cancéreuse et ses traitements impactent autant le corps que le psychisme et la vie sociale. Et parfois durablement.

Présents dès le diagnostic ou plusieurs semaines après la fin des traitements, certains troubles s’avèrent légers, d’autres sévères. Certains sont transitoires mais d’autres s’installent durablement. Si les dysfonctions sexuelles sont le plus souvent induites par les cancers du sein, du petit bassin et du périnée (cancers gynécologiques, urologiques, colorectaux…), elles se rencontrent dans toutes les pathologies cancéreuses. Et tous les patients sont potentiellement concernés.

 

Témoignage // Anne-Marie, 51 ans
Diagnostiquée d'un cancer des ovaires en 2014

« Pendant ma chimiothérapie, à chaque fois que je faisais l’amour, je serrais les dents. Aujourd’hui, le passage à l’acte me fait toujours peur. Bien que je désire mon mari, une fois couchée, je fais semblant de dormir. Il n’arrive pas à le comprendre. Pour lui, puisque je suis maintenant guérie, tout aurait dû revenir comme avant. »

Sur le plan psychique

Le cancer est un accident de vie majeur pour les hommes comme pour les femmes. Combattre la maladie devient une priorité. Leur quotidien en est bouleversé, celui de leur partenaire aussi.

Une image du corps profondément altérée

À l’annonce du diagnostic, la colère, l’anxiété, la détresse et la sidération s’entremêlent, parfois s’ajoute le sentiment d’avoir été trahi par son corps qui a fait naître la tumeur. Celui-ci est alors regardé avec méfiance, voire avec angoisse. L’image de soi en est souvent profondément altérée, jusqu’à se sentir dépossédé de son intimité. Les traitements et leurs conséquences n’y sont pas étrangers. Perte de cheveux, prise de poids, opérations mutilantes – mastectomie, stomies urinaires ou digestives… – perturbent le rapport au corps (mais aussi le rapport au corps de l’autre) et mine la confiance en soi. Pour toutes ces raisons, le « climat » est peu propice à la rencontre érotique. Et le désir s’affaiblissant, la sexualité est facilement reléguée au second plan. Cette situation n’a rien d’anormal et peut être très bien vécue par certains. Mais pour un grand nombre de malades, célibataires ou en couple, la rareté des rapports, le manque d’intimité et de tendresse finissent par générer de la détresse. « Les femmes ont souvent peur d’avoir perdu leur capacité de séduction. Le sentiment d’être moins désirables et désirées nourrit une peur d’être abandonnées, décrit Eliane Marx, psychologue et sexologue. Chez les hommes cette peur est là aussi, alimentée par la crainte de perdre leur virilité et d’être incapables de procurer à nouveau du plaisir. »

Adolescents et jeunes adultes (AJA), une population vulnérable

L’adolescence et le début de l’âge adulte sont des périodes fondamentales dans l’apprentissage et l’exploration de la sexualité, la vie amoureuse, la construction de l’identité et l’image de soi. Lorsque le cancer s’en mêle, tout se complique davantage. « Sous l’effet des traitements, ils (les AJAs) peuvent se retrouver avec un corps d’enfant, souligne Elise Ricadat, psychologue clinicienne. Pour autant, tous ne mettent pas en berne la découverte ou la poursuite de leur vie sexuelle et amoureuse. Beaucoup de couples adolescents tiennent le coup durant la maladie. » Mais les troubles hormonaux, source de douleurs et de dysfonctions sexuelles, affectent la qualité de leur vie intime1. Plus d’un tiers déclare ne pas être satisfait de leur vie sexuelle. Ils se sentent moins attirants, éprouvent des troubles de l’excitation, du désir et de l’érection mais aussi des difficultés à parvenir à l’orgasme. Des troubles parfois inattendus pour eux : si plus de 50 % des adolescents ont été informés sur la préservation de la fertilité, moins de 10 % ont été sensibilisés aux troubles de la sexualité.

Des répercussions sur le/la partenaire

La survenue du cancer bouleverse non seulement la personne malade, mais aussi son/sa partenaire. Il/elle doit assumer de nouveaux rôles et assurer de nouvelles missions de réconfort, de soin, de soutien. Mais il n’est pas facile d’être à la fois l’aidant∙e et l’amant∙e. Dans plus d’un tiers des cas, une détresse psychologique est observée chez le malade mais également chez son compagnon ou sa compagne. La menace du cancer, l’alternance de périodes d’espoir et de déception affectent également le moral et la santé sexuelle du partenaire.

En outre, certains n’osent pas exprimer leur désir car ils craignent que leurs gestes soient mal compris ou de paraître trop insistants. Ils ont également peur de “mal faire“. En raison de ce sentiment d’insécurité, ils éprouvent un sentiment d’éloignement. Un regret est largement partagé : celui de ne pas être interrogé par l’équipe médicale et de ne pas avoir reçu de conseils pratiques sur les éventuels effets secondaires que leur compagne/ compagnon allait subir, et les traitements qui auraient permis de les atténuer.

D’autres, au contraire, manifestent un déni de la maladie. C’est pour eux un moyen de défense qui leur permet de vivre “comme avant“. Dans ce contexte, ils ne comprennent pas toujours, ou ne réalisent pas, pourquoi l’intimité s’est dégradée alors qu’ils éprouvent toujours autant de désir.

 

Témoignage // Audrey, 43 ans
A perdu sa femme d'un cancer du sein

« Les gestes de tendresse, les caresses, les baisers ont continué de faire partie de notre quotidien. Mais ma femme n’avait plus de désir. Elle souffrait beaucoup de cette situation. Elle se sentait impuissante, désemparée. De mon côté, j’étais mal à l’aise de lui dire que j’avais envie d’elle. J’ai peur d’avoir parfois manqué d’empathie. »

L'homosexualité discriminée ?

Des travaux anglo-saxons récents montrent que la communauté LGBT+2 est victime de discriminations dans la sphère médicale. Cela se manifeste notamment par un abord des soignants hétéronormé qui génèrent des inégalités dans l’accès et la qualité des soins. Aussi, il n’est pas rare que ces patients préfèrent ne pas dévoiler leur orientation sexuelle, de peur de susciter des réactions maladroites ou même hostiles de la part de l’équipe soignante. Leur invisibilité associée à un manque d’écoute et de soutien favorise la détresse psychologique. Ils sont, d’ailleurs, davantage en proie à l’anxiété, et à des symptômes dépressifs, que les patients hétérosexuels.

Les répercussions physiques

Les traitements des cancers génitaux et pelviens (prostate, col de l’utérus, endomètre, ovaire, sein, colon-rectum, anus, pénis, testicule, vessie) affectent particulièrement la sexualité. Pour autant, quelle que soit la localisation tumorale, des troubles sont susceptibles d’apparaître de façon directe (atteinte des organes génitaux) ou indirecte (effets indésirables non sexuels comme la fatigue, amputation…). Ces troubles (sexuels ou non) peuvent être intriqués, et s’ajoutent à la composante psycho-émotionnelle.

Chez l'homme et la femme

La chirurgie est le principal traitement à l’origine de troubles de la sexualité. Les traitements chirurgicaux des cancers ORL – souvent lourds – laissent d’importantes cicatrices. Les opérations de la langue (ablation totale ou partielle, reconstruction) ou de la mâchoire entraînent des difficultés d’élocution. Ils affectent aussi la façon d’embrasser et les sensations lors des baisers. La voix (marqueur essentiel de l’identité) est aussi durablement modifiée à la suite d’une opération du larynx ou du pharynx (cancers des voies aérodigestives supérieures). De même, le traitement des cancers de l’estomac ou colorectal mais aussi de la vessie peuvent être mutilants. Dans certains cas, une stomie digestive ou urinaire (ouverture au niveau de l’abdomen pour évacuer les selles ou les urines) s’avère nécessaire de façon temporaire ou définitive. La stomie urinaire, elle, est permanente. Ces interventions, déjà difficiles à accepter, modifient profondément l’image du corps. Dans le cas des cancers pelviens (col de l’utérus, endomètre, ovaire, prostate, vessie, rectum…), les curages ganglionnaires associés à la radiothérapie entrainent parfois l’apparition d’un lymphoedème des jambes et des organes génitaux.

« Cette séquelle est peu douloureuse, mais elle est très invalidante. Le lymphoedème peut s’accompagner d’excroissances de peau, ou papillomatoses, et surtout de vésicules remplies de liquide qui peuvent se percer, et favoriser l’apparition d’une infection bactérienne. C’est très pénible au quotidien pour les patients », décrit le Dr Stéphane Vignes, chef de service de l’unité de lymphologie de l’hôpital Cognacq-Jay (Paris). Les traitements de chimiothérapie et de radiothérapie, quels que soient la localisation tumorale ou le sexe, induisent d’importants effets secondaires (nausées, vomissements, fatigue, perte temporaire des cheveux…) qui altèrent la qualité de vie et le désir. Les ulcères buccaux et la sécheresse des muqueuses peuvent rendre les baisers ou les rapports douloureux. En ce qui concerne les immunothérapies, les effets sur la sexualité féminine et masculine ne sont pas encore totalement connus, par manque de recul sur ce traitement récent.

 

Témoignage // Annik, 48 ans
Atteinte bébé d'un cancer du rein et d'une récidive aux poumons à l'âge de 5 ans

« Les rayons ont abîmé mon corps. J’ai une hanche atrophiée, et je suis limitée dans mes mouvements. Je suis sous THS (traitement hormonal de substitution) depuis 30 ans, malgré cela je connais des périodes de sécheresse vaginale. Toutes ces séquelles physiques ont un effet inhibant et dévalorisant. »

Chez la femme

La mastectomie totale (ablation du sein et du mamelon) ou partielle, ainsi que la reconstruction induisent des douleurs, en particulier dans la zone des cicatrices. Cette intervention entraine une perte de sensibilité du mamelon. Dans certains cas, la cystectomie (chirurgie pour certains cancers de la vessie) implique l’ablation de tout ou partie des organes génitaux (utérus, col de l’utérus, ovaires, une partie du vagin ou de l’uretère). Cette intervention radicale est susceptible de réduire la profondeur du vagin et d’induire un inconfort, voire des douleurs lors de la pénétration.

De même, la vulvectomie, qui consiste à enlever une partie ou la totalité de la vulve et parfois le clitoris, trouble la sexualité. S’il est toujours possible d’éprouver du plaisir, atteindre l’orgasme s’avère difficile chez certaines femmes. En outre, cette chirurgie modifie l’apparence de la région entourant le vagin.

La radiothérapie – et en particulier la radiothérapie interne (curiethérapie) où un élément radioactif est placé directement dans le vagin pour éliminer une tumeur située dans le col de l’utérus ou l’endomètre –, entraîne une sécheresse vaginale et un rétrécissement du vagin (atrophie vaginale). Des douleurs lors des rapports sont alors fréquentes. Les rayons dirigés dans la région du bassin risquent également d’endommager les ovaires, et la production des hormones sexuelles, ce qui peut déclencher des symptômes de ménopause (sécheresse vaginale, bouffées de chaleur) et affecter la libido.

Certaines chimiothérapies perturbent, voire interrompent le cycle menstruel, asséchant parfois les muqueuses et induisant une sécheresse vaginale, plus ou moins durable. La fatigue, les nausées, la perte de cheveux sont également susceptibles de survenir au fil des cures.

Les traitements hormonaux provoquent une ménopause prématurée, dont les effets secondaires possibles sont notamment la baisse du désir et la sécheresse vaginale. Le muscle du vagin est moins élastique, la cavité vaginale devient alors plus courte et plus étroite.

L'impact des infections à papillomavirus

Les papillomavirus humains (HPV) sont responsables de l’infection sexuelle la plus fréquente. Plus de 6 300 cas de cancer lui sont imputables chaque année (cancers du col de l’utérus, de l’anus, du vagin, de la vulve, du pénis ou ORL). Apprendre que son cancer est lié à une infection sexuellement transmissible (IST) entraine un stress émotionnel important3, auquel s’ajoute souvent un sentiment de honte et de culpabilité. L’image de soi peut être dégradée et le partenaire est vu comme menaçant ou responsable. Des émotions difficiles à gérer qui ont un impact sur la vie intime, le désir mais aussi la satisfaction sexuelle. Les cancers liés à l’infection aux HPV sont pourtant évitables grâce à la vaccination. Une étude suédoise parue en 20204 a rapporté que la vaccination contre les HPV réduit considérablement le risque de cancer du col de l’utérus. Depuis le 1er janvier 2021, tout comme les filles, les garçons de 11 à 14 ans ont maintenant accès à ce vaccin, avec un rattrapage possible jusqu’à 19 ans. Pour les hommes ayant des rapports homosexuels, la vaccination est possible jusqu’à 26 ans. À noter que si le vaccin est réalisé avant le début de la vie sexuelle, il confère une protection proche de 100 %.

Chez l'homme

L’ablation du pénis (rare), de la prostate et la chirurgie des cancers de la vessie et anorectaux sont particulièrement mutilantes. Bien qu’au cours de ces dernières années, les gestes chirurgicaux soient devenus plus précis, les interventions conduisent parfois à la lésion de tissus ou de nerfs permettant l’érection.

Elles modifient également l’éjaculation. Un de ces changements s’appellent “l’orgasme sec“ : lors de l’éjaculation, le sperme n’est pas libéré.

Une climaturie (fuite d’urine lors de l’orgasme), généralement transitoire, peut également survenir chez les hommes opérés d’un cancer de la prostate.

La radiothérapie de la région pelvienne est également source de troubles sexuels d’apparition progressive. Les rayons peuvent aussi léser des structures nerveuses ou vasculaires voisines de la prostate ou du pénis, et ainsi réduire la fonction érectile. Des orgasmes secs ou des douleurs lors de l’éjaculation sont parfois observés.

Enfin les castrations chimiques (hormonothérapie) nécessaires pour certains cancers de la prostate évolués perturbent le désir et l’érection. Ces altérations s’atténuent quelques mois après l’arrêt des traitements.
La chimiothérapie n’a généralement pas d’incidence sur les érections ou l’éjaculation. Pour autant, la fatigue qu’elle entraine est susceptible de diminuer la vie sexuelle et intime.


1. Référentiel AFSOS 2017 : Santé sexuelle et vie intime des AJA ; accessible sur afsos.org.

2. Kamen CS, Alpert A, Margolies L, Griggs JJ, Darbes L, Smith-Stoner M, Lytle M, Poteat T, Scout N, Norton SA. «Treat us with dignity»: a qualitative study of the experiences and recommendations of lesbian, gay, bisexual, transgender, and queer (LGBTQ) patients with cancer. Support Care Cancer. 2019.

3. Bennett, KF, Waller, J, Ryan, M, Bailey, JV, Marlow, LAV. « The psychosexual impact of testing positive for high-risk cervical human papillomavirus (HPV) »: A systematic review. Psycho-Oncology. 2019.

4. Lei, Jiayao, Ploner, Alexander, Elfström, K. Miriam, Wang, Jiangrong, Roth, Adam, Fang, Fang, Sundström, Karin, Dillner, Joakim, HPV Vaccination and the Risk of Invasive Cervical Cancer, New England Journal of Medicine, 2020.

Ce dossier a été réalisé en collaboration avec Rose Magazine et avec l'aide du Dr Pierre Bondil, chirurgien-urologue et sexologue au Centre hospitalier Métropole-Savoie ; du Dr Barbara Pistilli, oncologue médicale à Gustave Roussy ; du Dr Marion Aupomerol, gynécologue à Gustave Roussy ; du Dr Lucie Véron, gynécologue à Gustave Roussy ; de Elise Ricadat, psychologue clinicienne et membre du Centre de recherches Psychanalyse et Médecine et Société ; de Eliane Marx, psychologue et sexologue libérale à Strasbourg ; de Justine Henrion, sexologue à la Maison Rose de Paris et au Centre S’time d’Amiens ; de Jean Bourdin, kinésithérapeute, périnéologue et sexologue à Bois-Colombes ; de UNICANCER, de l'association IMAGYN et l'association Corasso.


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