Quelques décennies plus tôt, le premier conseil donné aux patients était le repos. Le sport ou l’activité physique constituaient principalement un risque que l’on pouvait accepter chez les patients suffisamment en forme. Aujourd’hui, l’activité physique dite « adaptée » est introduite dans les parcours de soin et tend à devenir un traitement comme un autre. Le 7 novembre dernier, en partenariat avec Midi Libre, la Fondation ARC rassemblait trois médecins et chercheurs pour une conférence grand public afin de mesurer cette évolution, d’exposer les défis scientifiques et médicaux qui se présentent maintenant et d’évoquer des projets qui, avec son soutien, tentent de les relever.
Grâce à la loi de modernisation de notre système de santé votée en janvier 2016, puis le décret publié en décembre de la même année, l’activité physique est officiellement reconnue en France comme une option thérapeutique que les médecins peuvent prescrire à leurs patients atteints d’une affection de longue durée. En cancérologie, les spécialistes admettent qu’il s’agit bien d’un réel changement de paradigme. Grégory Ninot, Professeur à l’Université de Montpellier et diplômé en sciences du sport et de la psychologie appliqués à la santé, le rappelait en introduction de la conférence organisée à Montpellier le 7 novembre1 : dans le traitement du cancer, le sport a longtemps été considéré comme un loisir utile pour se détendre et entretenir des relations sociales. Après les années 80, des études pilotes, menées à travers le monde auprès de patients atteints de différents cancers et suivant des programmes d’activité physique adaptés aussi divers que variés, ont permis de faire changer progressivement ce regard du monde médical. Des études de cohortes ont aussi contribué à cette évolution, permettant d’associer l’évolution clinique plus favorable de nombreux patients à leur niveau de pratique d’activités physiques ou sportives plus élevé. Depuis les années 2000, des explorations beaucoup plus précises, évaluant l’effet de l’activité physique sur différents paramètres physiologiques ou psychologiques, ont permis de réellement changer d’optique. Impact sur la densité osseuse ou sur la fatigue, sur les symptômes dépressifs ou les neuropathies induites par les chimiothérapies, renforcement du système immunitaire ou diminution des douleurs liées au traitement ou à la maladie... Tous ces résultats permettent aujourd’hui d’avoir une compréhension large des effets de l’activité physique sur l’organisme d’un patient. Mais de nombreuses zones d’ombre persistent, notamment parce qu’il n’existe pas « une » activité physique ni « un » cancer, mais une multiplicité de maladies et autant de types d’activités.
Comme toute autre thérapie en cancérologie, l’activité physique se développe actuellement en suivant les principes d’une médecine de précision, c’est-à-dire par la mise au point de protocoles les plus adaptés possibles à la situation des patients. En effet, si les résultats obtenus jusqu’alors montrent des effets bénéfiques, ils révèlent aussi que les différents programmes d’activité physique ne sont pas nécessairement tous aussi efficaces en fonction des situations cliniques : quelle intensité d’effort, à quelle fréquence, faut-il mobiliser uniquement les fibres musculaires de type 1 grâce à la marche rapide ou doit-on, aussi, faire du renforcement musculaire ? Une activité physique adaptée (APA) bien définie permet-elle d’améliorer la santé générale d’un groupe de patients ou d’allonger la survie d’un autre ? Pour répondre à ces questions, les médecins mettent au point des études à la rigueur draconienne. Les observations de cohorte laissent place à des essais cliniques de phase 3 randomisés. Les patients qui y participent sont précisément caractérisés (corpulence, habitudes en termes d’activité physique, nature et stade de la maladie), tout comme le programme d’activité physique proposé (durée, intensité, accompagnement).
Consciente des étapes qui restent à franchir pour que l’activité physique adaptée s’intègre dans le parcours thérapeutique du plus grand nombre de patients, la Fondation ARC s’est engagée depuis longtemps dans cette voie et soutient plusieurs programmes de recherche clinique qui, chacun, répondent à des situations bien spécifiques.
A l’image de ces projets, les travaux actuels tendent à asseoir l’activité physique comme un soin de support efficace - moyennant une adaptation de l’offre. Ils montrent aussi qu’elle fait partie d’un ensemble qui ne doit pas être morcelé. Pierre Senesse, Directeur du pôle transversal de soins de support de l'ICM, en est convaincu : pour que ces soins de supports soient pleinement efficaces, ils doivent être intégrés à un suivi nutritionnel global. Par certains aspects, la biologie confirme aussi cette idée : si l’activité physique agit sur notre organisme, c’est en grande partie parce qu’elle modifie certains équilibres métaboliques, aussi régulés par d’autres variables nutritionnelles. On peut donc aisément imaginer une action synergique entre, par exemple, un programme d’activité physique intensif et la mise en place d’un régime alimentaire spécifique. Des modalités de traitement qui nécessitent encore une mise au point tant clinique qu’organisationnelle.
R. D.
1. Visible en intégralité ici : www.facebook.com/ARCcancer/videos/1908614569433539/
Pour en savoir plus sur les avancées de la recherche sur le cancer.