Un article récemment publié décrit des mécanismes expliquant le vieillissement des macrophages qui patrouillent dans les alvéoles pulmonaires. Des résultats importants pour comprendre le développement des cancers du poumon, soutenus dans le cadre de notre appel à projet « Cancer et vieillissement ».
Les cellules de notre système immunitaire doivent, entre autres missions, identifier les cellules qui deviennent cancéreuses, puis les éliminer. Or, de nombreuses données indiquent que, les années passant, notre système de défense vieillit avec nous… ce qui pourrait expliquer une moindre efficacité de son action et, donc, une émergence plus fréquente des cancers après un certain âge. Reste à comprendre les ressorts de cette « immunosénescence »… La question, extrêmement complexe, occupe de nombreuses équipes. En l’occurrence, celle de Nicolas Manel, à l’Institut Curie (Paris), soutenue dans le cadre de notre appel à projet « Cancer & vieillissement », s’est penchée de près sur les macrophages qui, dans les alvéoles pulmonaires, opèrent normalement cette surveillance.
Leurs résultats, publiés ces derniers jours dans la revue Nature Aging, font la lumière sur des mécanismes qui pourraient expliquer le vieillissement de ces macrophages, dont le rôle de vigie est crucial pour le déclenchement d’une réponse immunitaire. Les chercheurs ont en effet montré que les déplacements des macrophages, d’alvéole en alvéole, imposaient des contraintes de déformation fortes sur la structure des cellules, y compris sur leur noyau, un compartiment dans lequel l’ADN des cellules est normalement protégé. En altérant la membrane du noyau, ces déformations engendraient une accumulation de dommages à l’ADN et, in fine, l’entrée en sénescence des cellules concernées.
Pour mieux étudier les mécanismes en jeu, les chercheurs ont mis au point un modèle expérimental dans lequel il est possible, in vivo, d’empêcher l’expression de la lamine A/C de façon spécifique dans les cellules immunitaires. Cette protéine est l’une des principales composantes d’un réseau dense qui assure la structure du noyau (et donc la protection du patrimoine génétique de nos cellules). En outre, sa mutation est impliquée dans des syndromes de vieillissement précoce comme le syndrome de Hutchinson-Gilford, par exemple, aussi appelé « progéria ».
Ainsi, lorsque les macrophages alvéolaires n’exprimaient plus la lamine A/C, leurs noyaux se fracturaient et des dommages s’accumulaient dans leur ADN. Les macrophages qui survivaient montraient tous les signes distinctifs des situations normales de vieillissement. D’une façon générale, les populations de macrophages alvéolaires étaient drastiquement réduites et, dans ces situations, les chercheurs observaient une plus grande sensibilité aux effets pathogènes d’une exposition au virus de la grippe ainsi qu’une implantation et une croissance plus rapides des tumeurs pulmonaires.
Grâce à ces travaux, qui ont aussi permis d’identifier d’autres acteurs clés de cette sénescence des macrophages, les chercheurs ouvrent des pistes importantes pour comprendre les liens entre le vieillissement et l’émergence des cancers du poumon.
R.D.
Sources :
De Silva, N.S. et al ; Nuclear envelope disruption triggers hallmarks of aging in lung alveolar macrophages ; Nature Aging ; 18 septembre 2013
Communiqué de presse Institut Curie ; Contrecarrer les effets du vieillissement et l’apparition des cancers : de nouveaux résultats prometteurs ; 22 septembre 2023