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Les entretiens "Magnifiques" - Michael Taylor : deux ans après, « on s’autorise à imaginer de nouvelles perspectives »

Portrait Michael TaylorIl y a deux ans, nous remettions le 49ème Prix Fondation ARC Léopold Griffuel de recherche fondamentale à Stephan Pfister et Michael Taylor, pour leurs travaux portant sur la compréhension des tumeurs cérébrales pédiatriques et, plus précisément, pour les voies qu’ils ont ouvertes avec l’exploration des bases moléculaires de ces maladies. Pour suivre l’actualité de ces champs de recherche, nous avons contacté Michael Taylor en décembre dernier. Très rapidement, le chercheur nous a emportés grâce à sa détermination d’acier, baignée d’optimisme (et d’accent canadien :-)).

 

Propos recueillis par Laurence Michelena et Raphaël Demonchy pour la Fondation ARC

 

Entretien

Raphaël Demonchy : Deux ans seulement depuis le Prix Fondation ARC Léopold Griffuel, en 2021. Comment ont évolué vos projets ?

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Michael Taylor : En général, en deux ans il ne se passe presque rien en recherche. La recherche prend beaucoup plus de temps ! Mais pendant le COVID on ne pouvait pas sortir, aller dans les bars pour se retrouver et boire des bières alors… on a énormément travaillé ;) Plus sérieusement, ces dernières années ont permis de faire aboutir un travail important, que nous avons publié en septembre (2022) dans le grand journal scientifique Nature. Dans cet article, on a décrit comment le médulloblastome apparait dans le cervelet pendant le développement embryonnaire. On a montré que la tumeur est déjà là dès le 2eme ou 3eme mois de grossesse, toujours dans une partie très petite du cervelet, que l’on appelle la zone n°10.

 

RD : Cette localisation n’était pas encore connue ?

citationMT : En fait, quand on reçoit les enfants pour un diagnostic, le cancer est souvent trop étendu pour que l’on puisse savoir précisément où il a commencé. Nos travaux ont permis de remonter à la racine, on sait maintenant où naissent ces médulloblastomes, à partir de quelles cellules embryonnaires. On peut imaginer regarder spécifiquement cette zone très tôt dans la vie des nourrissons, pour la surveiller et pour intervenir rapidement. La très bonne nouvelle, en effet, c’est que nous, les neurochirurgiens, on peut opérer et enlever cette toute petite zone du cervelet, sans que ça ne soit un problème pour les enfants ! Avec les données dont on dispose maintenant, on s’autorise à envisager de nouvelles perspectives !

 

RD : Vous voulez dire qu’il serait possible de réaliser des opérations avant que le médulloblastome ne s’étende localement ? Comment identifier les enfants à qui proposer cette opération ?

citationMT : Oui, cette opération est possible et, en théorie, on peut examiner la zone 10 par IRM, chez des enfants de 6 mois par exemple, pour savoir si elle présente une anomalie. Mais bien-sûr il n’est pas question de faire passer une IRM à tous les bébés du monde, il nous faut maintenant développer des tests sanguins, de plus en plus sensibles et spécifiques, des tests qui ne coûtent pas cher, pour identifier les enfants chez qui on doit envisager des examens plus précis. Dans nos sociétés occidentales on dépense des milliards chaque année pour prévenir les cancers du côlon : on recherche et on enlève des polypes avant qu’ils ne deviennent des cancers invasifs. Dans mon rêve, on sera en mesure de faire la même chose pour les médulloblastomes ! Et pas seulement pour les enfants de Paris ou de Toronto, mais aussi pour ceux du Nigeria ou du Bangladesh. Ça prendra 10 ans, 20 ans ou 50 ans, on ne sait pas, mais en tout cas j’aurais commencé à dessiner le chemin.

 

Laurence Michelena : Les perspectives sont exceptionnelles, quelle est la toute prochaine étape ?

MT : J’ai 53 ans et il me reste au plus 20 ans à travailler. Je suis un peu dans l’urgence si je veux voir des résultats ! Pour accélérer les choses, j’ai choisi de quitter la ville dans laquelle je vis, où j’ai ma famille, pour établir une équipe au Baylor College of Medicine à Houston au Texas. Le changement est radical, mais les moyens mis à disposition dans ce centre sont énormes et peuvent faire changer d’échelle notre action. Dans le même objectif, avec plusieurs amis à travers le monde, nous avons monté l’initiative « No more crying » (consortium informel, pour l’instant. ndlr). C’est une façon de réunir les meilleurs chercheurs qui travaillent sur le sujet des médulloblastomes pour que l’on aille tous dans une même direction. Pour l’instant, comme je le disais, il faut que l’on mette au point des marqueurs sanguins qui permettent de déceler facilement la présence d’une tumeur naissante dans le cervelet. Toutes les voies de signalisation que nous avons décryptées dans les travaux publiés en septembre dernier vont probablement nous y aider.

 

RD : Ces pistes, qui pourraient révéler des biomarqueurs du développement précoce des médulloblastomes, pourraient-elles aussi faire émerger de nouvelles stratégies thérapeutiques ?

citationMT : C’est possible, oui. Et surtout c’est vraiment nécessaire ! Il faut savoir qu’aujourd’hui les traitements sont très lourds pour les patients. Après la chirurgie, qui n’empêche souvent pas les récidives, les enfants reçoivent une radiothérapie au niveau du cerveau entier, avec des conséquences sur leur développement intellectuel et, en général, une chimiothérapie assez intensive qui peut avoir des répercussions sur leur audition, par exemple. En ce qui concerne les thérapies nouvelles, comme les immunothérapies ou des thérapies ciblées, elles ne sont proposées qu’au moment de la récidive, quand la tumeur est devenue bien plus complexe et agressive qu’au début de son développement. Trouver des moyens de cibler les cellules cancéreuses dès le diagnostic pourrait changer beaucoup de choses. Ces dernières années nous avons réussi à concevoir des cellules CAR-T qui sont capables de cibler spécifiquement les cellules souches cancéreuses des médulloblastomes. Ces cellules qui, après les traitements, sont suspectées d’être à l’origine des récidives. Nous avons déjà fait tout le travail préclinique et le Baylor College of Medicine est un centre de soin expert dans la production des cellules CAR-T, donc nous devrions pouvoir initier un essai clinique assez rapidement.

Retrouvez notre vidéo pour en savoir plus sur les cellules CAR-T

 

L M : Tout a été très rapide ces deux dernières années, et ça pourrait encore s’accélérer avec ce changement d’échelle prévu à Houston ! Vous nous tiendrez au courant des avancées dans les prochains mois ?

MT : Avec plaisir ! Vous savez, j’ai l’habitude de dire que mon travail c’est de faire pleurer des mamans… J’en suis malade. C’est pour ça que nous avons monté cette initiative « No more crying » et que nous mettons tout en œuvre pour éradiquer cette maladie au plus vite. Bien-sûr, nous travaillons sur de nouvelles pistes thérapeutiques, aujourd’hui indispensables, mais notre objectif est bien l’éradication des médulloblastomes – et donc de leurs traitements trop lourds. Nous n'y arriverons pas en quelques années, mais nous venons de poser les fondations, les plans sont globalement dessinés, reste à monter le bâtiment !


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