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07 juillet 2023

Pour mettre des leucémies à l’arrêt, l’épopée d’une potentielle thérapie ciblée

Une équipe que nous soutenons depuis une dizaine d’année pourrait être en passe de mettre au point un inhibiteur très puissant permettant de bloquer une voie essentielle pour les cellules de certaines leucémies aiguës. Leurs résultats ouvrent des perspectives pour ces leucémies, mais aussi, potentiellement, pour la mise au point d’autres molécules thérapeutiques ciblées.

En 2013, l’équipe de Patrice Dubreuil, à Marseille, travaillait sur le mode d’action d’une molécule, le masitinib, dans le contexte de son repositionnement thérapeutique. La molécule, qui était jusqu’alors utilisée dans certaines pathologies liées à la prolifération anormale de cellules, cancéreuses ou non, s’avérait en effet intéressante pour sensibiliser à la gemcitabine des patients atteints de cancers du pancréas. Dans une étude publiée en 2017 – que nous avons évoquée ici – les chercheurs montraient que cette action reposait sur la stimulation de l’enzyme « dCK », impliquée dans une voie du métabolisme des nucléosides, des composants de base de l’ADN. En activant dCK, le masitinib permettait aux cellules de modifier la gemcitabine – administrée sous une forme inactive – pour la rendre active. A l’époque, déjà, l’équipe marseillaise avait étudié en détail les structures cristallographique de l’enzyme dCK associée au masitinib (la forme précise des molécules, en trois dimensions, à l’atome près). Un détail qui compte pour la suite…
Sur la base de ces travaux, l’équipe a ensuite envisagé un autre développement, considérant que l’activation de dCK opérée par le masitinib pouvait aussi être inversée : si le masitinib parvient à bloquer dCK dans une conformation active, une autre molécule, dérivée du masitinib, pourrait maintenir la structure de l’enzyme dans une conformation inactive ! En l’occurrence, l’objectif n’est pas (seulement) né d’une lubie de biochimiste passionné, mais de deux constats relativement simples : 1° cette enzyme dCK est indispensable à la production des briques utilisées dans la synthèse de l’ADN (les nucléotides), une production en tension dans les cellules cancéreuses qui se multiplient activement ; et 2° dCK est particulièrement exprimée et active dans de nombreux cancers et, selon des premiers résultats, son inhibition pourrait être efficace contre certaines leucémies. Les chercheurs ont alors mis au point une technique permettant de concevoir, de produire et de tester des inhibiteurs de façon optimisée.
Concrètement, et très schématiquement, Xavier Morelli, explique la méthode qui lui a permis d’obtenir des résultats spectaculaires publiés récemment dans la revue Nature communications : l’approche consiste à créer in silico un « moulage » de la zone d’interaction entre dCK et son futur inhibiteur. Cette étape, menée grâce aux données de structure cristallographiques publiées en 2017, permet le design d’une molécule qui, en théorie, devrait s’ajuster comme il le faut dans cette zone. S’ensuit alors une série de test, y compris in vitro, après la synthèse d’inhibiteurs candidats, pour identifier le ou les plus efficaces. Pour accélérer le processus d’optimisation, les chercheurs ont développé un logiciel dont l’algorithme permet de limiter le nombre de molécules à synthétiser et à tester. Une technique qui permet à l’équipe marseillaise d’aller… droit au but !
Et, de fait, la publication montre qu’un inhibiteur baptisé ORO642, sort du rang, avec une affinité pour l’enzyme dCK 1 000 fois plus élevée que le masitinib, qui a servi de point de départ pour son design. Utilisé en combinaison avec une molécule bloquant une seconde voie de production des nucléotides, ORO642 permettait de doubler la survie dans un modèle expérimental de leucémie à cellules T développé avec une équipe spécialiste de ces cancers.
Fort de cette preuve de concept, l’équipe de Xavier Morelli et Patrice Dubreuil continue le travail d’optimisation d’ORO642 pour transformer ce « prototype » en un médicament oral potentiel. Encore "un peu" de travail, donc, que nous avons choisi d’accompagner sur trois nouvelles années, portant notre soutien à près de 900 000 € depuis 2013.

 


R.D.

Source : Saez-Ayala M. et al ; From a drug repositioning to a structure-based drug design approach to tackle acute lymphoblastic leukemia ; Nature communications ; 29 may 2023