Des travaux récents décrivent comment la synthèse de certains lipides dans les cellules hépatiques intervient dans le développement cancéreux.
Comprendre le métabolisme des cellules cancéreuses permet bien souvent d’imaginer la mise au point de stratégies thérapeutiques, ses dérèglements étant intimement liés au fonctionnement « accéléré » de ces cellules hyperactives. En l’occurrence, le métabolisme des cellules cancéreuses du foie était relativement obscur. Une équipe suisse a récemment fait la lumière sur le rôle central que semble jouer la synthèse de certains lipides dans le développement de ces cancers.
C’est en voulant préciser le rôle de la protéine mTOR, un acteur majeur du développement cancéreux, que les chercheurs suisses ont glissé vers le métabolisme lipidique. La protéine mTOR est en effet connue pour son hyperactivité dans les cancers du foie, entre autres, mais son mode d’action est mal compris. Grâce à plusieurs approches expérimentales, les chercheurs ont montré que l’activation de cette protéine avait des répercussions sur la synthèse des acides gras et des lipides. Dans les cellules hépatiques, l’activation forcée de mTOR induisait des voies métaboliques menant à la synthèse de glucosylcéramide (un sphingolipide) et de cardiolipine (un glycérophospholipide), deux ressources indispensables à la production de l’enveloppe lipidique des cellules et à la production d’énergie, respectivement.
Les différentes expériences réalisées ont permis de montrer que cette synthèse anormalement élevée, orchestrée par l’activation de mTOR, était à l’origine d’une accumulation lipidique dans le foie et favorisait le développement d’une tumeur. Lorsque les chercheurs bloquaient la synthèse des lipides, l’activation de mTOR perdait son action pro-tumorale.
Enfin, des échantillons prélevés auprès de patients atteints de cancers du foie ont confirmé les résultats obtenus jusque-là en laboratoire, en apportant une précision : l’activité de mTOR était anormalement élevée et induisait la synthèse locale de lipides chez les patients ayant développé un cancer du foie à partir d’une stéatose (surcharge de graisse, liée à un déséquilibre alimentaire ou à la consommation d’alcool, notamment). De façon intéressante, cette synthèse lipidique n’était pas augmentée chez les patients dont la tumeur s’était développée suite à une hépatite virale (hépatite C ou B).
Les enzymes de la synthèse lipidique, apparemment impliquées dans la transformation cancéreuse, pourraient donc constituer des cibles thérapeutiques intéressantes, en particulier chez les patients présentant une surcharge de graisse hépatique.
R.D.
Source : Guri, Y. et al ; mTORC2 Promotes Tumorigenesis via Lipid Synthesis ; Cancer Cell ; décembre 2017
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