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27 janvier 2021

Émulsifiants : le microbiote sous influence

Des travaux récents décrivent comment la consommation d’émulsifiants alimentaires agit sur le microbiote et favorise, par ce biais, un état d’inflammation chronique impliqué dans de nombreuses maladies, dont les cancers du côlon.

L’inflammation chronique intestinale est la cause, directe ou indirecte, de nombreuses maladies. La maladie de Crohn, par exemple, qui touche plus de 20 millions de personnes à travers le monde, est définie par cette inflammation. On sait, aussi, que les cancers du côlon sont favorisés par une inflammation chronique, y compris à bas bruit. L’équilibre du microbiote intestinal est depuis longtemps associé à cet état inflammatoire. Certaines populations bactériennes ont tendance à favoriser l’inflammation quand d’autres l’atténuent. Ces déséquilibres, d’ordre écologique, qui se jouent dans nos intestins ont clairement été liés au risque de développer certaines maladies, y compris les cancers du côlon. Pour comprendre plus précisément les mécanismes à l’œuvre, des chercheurs se penchent depuis des années sur le rôle que peuvent jouer certains émulsifiants alimentaires dans l’émergence de ces maladies. Une dernière étude, publiée dans la revue Cell Reports, permet de faire un point, préoccupant.

La carboxyméthylcellulose (CMC ; E466) et le polysorbate 80 (P-80 ; E433) sont des molécules synthétiques largement utilisées dans l’industrie agroalimentaire pour favoriser l’émulsion (un équilibre entre des substances lipidiques et aqueuses). Des études précédentes avaient déjà impliqué ces agents de textures dans le déséquilibre du microbiote intestinal et avaient associé leur consommation à la survenue de maladies liées à l’inflammation intestinale dans des modèles animaux. Avec ces derniers travaux, Emilie Viennois, Benoit Chassaing et leurs collaborateurs français et américains sont parvenus à montrer que les deux émulsifiants agissaient sur des souches particulières de bactéries en stimulant directement leur expression de facteurs de virulence.

Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs ont introduit les émulsifiants dans l’alimentation de souris dont le microbiote est strictement contrôlé. Lorsque le microbiote est « normal » - c’est-à-dire riche de sa grande diversité – leur ingestion provoquait une inflammation légère et un « syndrome métabolique » (accumulation de graisse abdominale, excès de sucre et de triglycérides dans le sang, pression artérielle élevée, taux bas de bon cholestérol). En utilisant des souris dont le microbiote est absent ou constitué exclusivement de souches bactériennes « inoffensives », les chercheurs ont montré que l’effet de la CMC ou du P-80 nécessitait la présence d’un microbiote, mais pas de n’importe quelle souche. Ainsi, l’effet des deux additifs était bien marqué lorsque les souris possédaient un microbiote constitué de « pathobiontes », c’est-à-dire de souches normalement présentes en très faible proportion dans le microbiote mais qui peuvent induire des troubles divers lorsqu’elles deviennent prépondérantes.

En l’occurrence, les chercheurs ont montré que la CMC et le P-80 ingérés induisaient l’expression de gènes impliqués dans la virulence de certaines souches bactériennes, par exemple impliquées dans les maladies inflammatoires de l’intestin. Les chercheurs ont notamment pu observer que ces pathobiontes envahissaient plus efficacement le mucus de la paroi intestinale.

L’ensemble des données publiées par ces équipes indiquent que les émulsifiants alimentaires ont très probablement un pouvoir de nuisance sur notre équilibre intestinal, via leur action sur les populations bactériennes de notre microbiote. Certainement l’une des explications biologiques derrière l’observation épidémiologique d’un sur-risque de cancer associé à la consommation des aliments ultra-transformés.


R. D.

Source : Viennois, E. et al; Dietary Emulsifiers Directly Impact Adherent-Invasive E. coli Gene Expression to Drive Chronic Intestinal Inflammation; Cell Reports; Octobre 2020


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