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01 octobre 2018

Cancer du pancréas : une énigme métabolique à résoudre

Plus de 14 000 nouveaux cas de cancers du pancréas estimés en 2017, une incidence en hausse constante depuis les années 2000, des tumeurs aux caractéristiques particulièrement agressives et… des solutions thérapeutiques encore très limitées. Aujourd’hui, l’une des principales pistes de recherche repose sur la compréhension des mécanismes métaboliques qui permettent à ces cellules cancéreuses de prospérer.
Actuellement, le seul traitement curatif des cancers du pancréas est la chirurgie. Malheureusement, l’exérèse de ces tumeurs est souvent délicate et, surtout, plus de 80 % des nouveaux cas sont diagnostiqués à des stades avancés voire métastatiques pour lesquels la chirurgie n’est plus envisageable. Pour ces patients, l’enjeu est de trouver la stratégie thérapeutique qui parviendra à faire régresser suffisamment la maladie pour qu’ils puissent devenir opérables.

Si certaines chimiothérapies intensives y parviennent dans certains cas, la majorité des traitements ne font que ralentir le développement de la tumeur primaire ou des métastases. Grâce à une connaissance de plus en plus précise de la biologie des tumeurs pancréatiques, certaines pistes émergent, portant l’espoir d’une meilleure efficacité thérapeutique et donc celui de donner à un plus grand nombre de patients l’accès à la chirurgie. Notamment, l’exploration des particularités métaboliques de ces tumeurs laisse penser qu’elles pourraient constituer un angle d’attaque pertinent.

La piste du métabolisme

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Le métabolisme peut se définir par l’ensemble des réactions enzymatiques qui ont lieu au sein de chacune de nos cellules et qui maintiennent l’équilibre entre la consommation de matières premières et d’énergie d’une part, et la production de molécules (telles que les protéines, les lipides, les sucres) et d'énergie indispensables au bon fonctionnement de la cellule d’autre part. A chaque instant, ce sont des centaines de réactions qui participent à cet équilibre. Elles constituent des cascades, où la production d’une réaction sert de matière première à la suivante, formant ainsi de grandes voies métaboliques, ainsi que des croisements, entre les voies métaboliques des sucres et celles des lipides, par exemple. Vu dans son ensemble, le réseau métabolique d’une cellule serait comparé au maillage routier d’une métropole internationale, avec ses grands axes, ses échangeurs et ses ruelles étroites. Un ralentissement ici a des répercussions par-là, un débit accéléré ailleurs peut vider le trafic dans des axes secondaires.

Heureusement, ce système complexe est dynamique : toutes les cellules doivent adapter leur métabolisme à leur environnement et à leurs besoins intrinsèques. Dans le cas des cellules de cancers pancréatiques, les études, menées depuis une dizaine d’année, montrent que les contraintes imposées par le microenvironnement tumoral sont strictes : l’irrigation sanguine est très limitée, du fait de la densité de la tumeur, ce qui réduit drastiquement l’apport d’oxygène et de nutriments aux cellules cancéreuses, ceux-ci étant classiquement véhiculés par le sang (glucose, acides aminés…). Parallèlement, des cellules non cancéreuses massivement présentes dans la tumeur - plus de 85 % du volume tumoral ! - jouent aussi un rôle crucial : les « CAF » (pour « fibroblastes associés aux cancers ») sécrètent de grandes quantités de collagènes et d’autres protéines fibreuses qui s’assemblent et forment cette matrice très dense, caractéristique des tumeurs pancréatiques. Or les cellules cancéreuses parviennent à « ingérer » certaines de ces protéines et à les intégrer dans leurs voies métaboliques. Pas de glucose sous la main ? Qu’à cela ne tienne, les cellules cancéreuses font avec les moyens du bord et digèrent ce que leur fournissent les CAF !

Pour Sophie Vasseur, qui coordonne un projet de recherche soutenu par la Fondation ARC, la Ligue nationale contre le cancer et l’Institut national du cancer dans le cadre d’une large mobilisation nationale sur les cancers du pancréas (voir ci-dessous), ces considérations deviennent réellement intéressantes pour la recherche biomédicale lorsque l’on entre dans le détail des adaptations métaboliques : « le microenvironnement tumoral n’est pas homogène et il évolue avec le temps : la tumeur grossit, se densifie, la vascularisation, importante dans les tout premiers temps, disparait petit à petit du cœur de la tumeur. » En réaction, les cellules cancéreuses adaptent leurs « choix » métaboliques. « A certains moments, ou dans certaines niches tumorales, elles vont exploiter principalement une source de glucose encore disponible, puis elles se reposeront sur les ressources protéiques accessibles dans la matrice grâce aux CAF. » C’est en comprenant comment et dans quelles conditions s’opèrent ces adaptations, que la chercheuse du Centre de recherche en cancérologie de Marseille pourra trouver un moyen de les perturber et donc d’enrayer le développement de la tumeur.

Identifier les cibles

Ces phénomènes d’adaptations, s’ils sont réels au sein de la tumeur pancréatique, sont encore plus flagrants entre les cellules de la tumeur primaire et celles qui, après migration dans le flux sanguin, forment des métastases dans des tissus totalement différents. L’un des premiers objectifs du projet porté par Sophie Vasseur est donc de distinguer les « profils métaboliques » des différentes populations de cellules, pour savoir s’il est possible d’en cibler un spécifiquement. « Les techniques de microdissection et de tri de cellules nous permettent aujourd’hui d'identifier, au sein d’une tumeur, les cellules les plus agressives, qui ont entamé une transformation qui les prédispose à s’échapper et à former des métastases ». En analysant les niveaux d’expression d’un certain nombre de gènes (des centaines) dans les cellules métastatiques et dans les différents types de cellules cancéreuses de la tumeur primaire, différents profils seront identifiés, ce qui permettra alors d'établir des « signatures métaboliques » spécifiques des types cellulaires métastatiques ou primaires.

« Ensuite, deux options s’offrent potentiellement à nous, explique la chercheuse : soit nous pouvons bloquer des voies métaboliques qui concernent spécifiquement les cellules métastatiques, soit nous réussissons à intervenir en amont, sur les cellules qui, dans la tumeur, sont sur le point de former des métastases ».

Mais voilà, le réseau métabolique est complexe et dynamique. Lorsqu’une voie est bouchée, pour cause de matière première absente ou parce que des enzymes ou des transporteurs de nutriments sont non fonctionnels, un itinéraire bis se crée et permet de maintenir l’équilibre métabolique. Pour avoir une action thérapeutique efficace, il faut réussir à cibler une enzyme, une voie métabolique qui soit stratégiquement pertinente : quelle rue ou quel carrefour couper pour congestionner toute la ville ? Pour répondre à cette question, Sophie Vasseur dispose d’un atout : des mathématiciens, associés au projet. « Les nombreuses voies métaboliques qui existent au sein d’une cellule sont bien connues depuis des décennies. Nous allons fournir les données de transcriptomique [le niveau d’expression des multiples gènes étudiés, ndlr] aux mathématiciens, qui pourront alors modéliser l’ensemble du réseau tel qu’il est dans les différentes cellules tumorales et dans les cellules métastatiques, avec ses bouchons et ses voies rapides ». Grâce à cet outil numérique, les chercheurs auront un moyen d’anticiper les effets des blocages enzymatiques ou celui des transporteurs qu'auraient des molécules thérapeutiques et donc d’identifier celles qui seraient susceptibles de faire le plus de dégâts dans les différentes cellules cancéreuses.

Le projet que porte Sophie Vasseur comporte aussi un volet clinique, qui permettra de valider certaines pistes : les chercheurs disposent en effet d’échantillons prélevés chez des patients, au niveau de leur tumeur primaire mais aussi des métastases hépatiques. Si les signatures métaboliques identifiées dans les études in vivo se confirment chez les patients, les potentielles cibles thérapeutiques identifiées avec l’aide de la modélisation auraient ainsi toutes les chances d’être pertinentes chez les patients.

PAIR* Pancréas - une mobilisation nationale

Face aux enjeux de santé publique que représentent les cancers du pancréas, l’Institut national du cancer, la Fondation ARC et la Ligue nationale contre le cancer ont lancé en 2017 un vaste appel à projet conjoint, après avoir réuni la communauté de chercheurs et de médecins pour faire le point sur les connaissances scientifiques et les limites de la prise en charge.

 

À l’issue d’une sélection, six projets ont été choisis pour être soutenus pendant 3 à 4 ans**, dans différents champs de recherche fondamentale et translationnelle, en biologie, en épidémiologie et en sciences humaines et sociales.

 

Pour plus d’information sur les projets soutenus : www.e-cancer.fr

 

* Programme d’Action Intégré de Recherche, un dispositif initié par l’INCa dans le cadre du Plan cancer.

** La Fondation ARC contribue à hauteur de plus d’1,1 million d’euros à l’ensemble de ces projets.

 


R. D.